La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt de principe le 20 octobre 2015 (affaire n° 14-19598) qui constitue un véritable coup de tonnerre dans le microcosme fiscal des contribuables fortunés en validant la stratégie d’optimisation de son ISF consistant à faire détenir des biens non professionnels, tel l’immobilier, par les filiales ou sous-filiales plutôt que par la société mère.
Une décision favorable à l’entrepreneur redevable de l’ISF qu’il conviendra cependant d’employer avec mesure et ce d’autant que l’administration va vraisemblablement tenter de faire modifier la législation dans son sens.
L’affaire était la suivante : des époux dirigent une agence immobilière dont ils possèdent l’intégralité des actions. Cette société est clairement un bien professionnel. Mais au delà, elle détient le capital d’une société administrateur de biens et syndic de copropriété qui détient elle-même le capital d’une société possédant des biens immobiliers au travers de six filiales. Les époux ont déclaré l’intégralité des actions qu’ils détiennent dans l’agence immobilière en tant que biens professionnels, et à ce titre exonérées d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
L’administration fiscale a adressé une notification de rectification de leur ISF aux époux, estimant que l’agence immobilière, au travers de filiales et sous-filiales, possédait un patrimoine immobilier qui n’apparaissait pas nécessaire à son activité et ne répondait donc pas aux conditions d’exonération posées par l’article 885 O ter du code général des impôts.
Les juges du fond et la Cour d’appel donnent raison aux contribuables en ces termes : « aucune disposition ne prévoit l’extension du champ d’application de l’article 885 O ter aux actifs des filiales et sous-filiales de l’ensemble des sociétés composant le groupe en sorte qu’il n’y a pas lieu de rechercher si les actifs de ces sociétés sont nécessaires à l’activité de la [société exerçant l’activité d’agence immobilière] ».
L’administration fiscale forme un pourvoi devant la Cour de cassation qui est rejeté, la Haute juridiction estimant que c’est à bon droit que la cour d’appel avait considéré que « l’article 885 O ter du code général des impôts, qui limite la portée de l’exonération de taxation des biens professionnels, est d’interprétation stricte, en sorte que son champ d’application ne s’étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales des sociétés constituant un groupe et que le terme « société », qu’il mentionne, renvoie seulement à la société qualifiée de bien professionnel par l’article 885 O bis du même code, dans laquelle le contribuable détient des parts sociales ».
Un appel d’air en ce monde de brutes.
Par Philippe LAURENS